Il y a fort fort longtemps, au cœur du Pacifique, alors que le monde se mettait en marche, que les humains tout juste nés profitaient des bienfaits de la vie, jouait dans la mer, se prélassait toute la journée, le dieu soleil, Rê, travaillait dur chaque jour, et chaque nuit se reposait dans sa grotte de l’autre côté de la mer.
En passant chaque jour au-dessus des humains paresseux, le soleil, vexé d’être forcé de travailler si dur, songea qu’il lui serait si agréable de pouvoir lui aussi se reposer longtemps. Le lendemain, il décida qu’il avait lui aussi le droit de ne rien faire, et au lieu de lentement traverser le ciel comme tous les jours avant, il se dépêcha de faire son arc de cercle et retourna dans sa grotte faire ce qui lui plaisait.
Le surlendemain, ravi d’avoir passé du temps à ne rien faire, il recommença, encore et encore et encore.
Mais il ignorait alors les conséquences de sa paresse, car sur les îles, c’était désormais le chaos. Les jours passaient trop vite, les nuits étaient trop longues. L’air ne se réchauffait plus, la lumière n’était plus suffisante pour préparer les repas correctement. Les racines de tarot, toxiques, si elles étaient mal cuites, rendaient malades ceux qui en mangeaient, et ils ne pouvaient plus pêcher, car il n’y voyait rien.
Maui, héro polynésien et demi-dieu, observait depuis trop longtemps le peuple qu’il avait juré de protéger, souffrir. Sa bien-aimée, forcée de manger du tarot mal cuit, avait les lèvres toutes abîmées par la sève corrosive, et ne cessait de pleurer.
Déterminé à rétablir l’ordre, il imagina un plan. Pendant le peu de temps que le jour durait, il tissait, et quand la nuit tombait, il tissait encore illuminé par le feu. Quand son filet fut prêt, il prit un long cheveu de sa bien-aimée et le tissa avec. Puis, grimpant dans sa pirogue, il alla au bout de la mer là où le soleil se réfugiait pour la nuit.
Il l’attendit, à l’entrée de sa grotte, que Rê sorte pour sa ronde du jour, lorsqu’il aperçut le soleil, il lança son filet et le prit au piège.
Rê, furieux d’un tel stratagème, chauffa, chauffa, chauffa jusqu’à brûler les fibres de plantes utilisées pour le filet. Mais le cheveu de la bien-aimée de Maui, intégré au filet de lui, ne brûla pas… Maui tira dessus et il se serra autour du soleil qui se débattit et chauffa sans succès. Alors, malheureux et épuisé, il accepta les conditions du demi-dieu :
Chaque jour, il prendrait son temps pour traverser le ciel, tant et si bien que les Polynésiens auraient le temps de manger trois fois.
La légende raconte que, pour s’assurer que le Soleil n’oublie jamais sa promesse, Maui laissa enrouler autour de lui, le cheveu de son aimée, et que, parfois, si on fixe bien l’horizon lorsqu’il se couche, on peut le voir dans un éclair vert à l’aube du crépuscule.
Cette légende a été réécrite par Anna Ariabinsky.